La Femme de Tchaïkovski

2023 - 2 - 15

Post cover
Image courtesy of "ÉcranLarge.com"

La Femme de Tchaïkovski : critique d'une danse cauchemardesque (ÉcranLarge.com)

Découvrez la critique du film La Femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov - Dès Leto à Cannes 2018, Kirill Serebrennikov est devenu un des cinéastes ...

Jouant de la grammaire de l’enfermement avec une aisance stupéfiante, le metteur en scène orchestre une dégradation, un pourrissement, progressif mais inexorable, du réel. C’est qu’Antonina ne comprend pas tout de suite ce qui l’attend, comme lorsqu’au cours d’un semblant de lune de miel, elle et son époux croisent deux vieux amis, dont la concupiscence lui échappe, tandis que la caméra génère un sentiment de claustration nauséeux. Loin d’être un film à thèse, La Femme de Tchaïkovski se construit en deux mouvements surpuissants. Serebrennikov déploie alors une science du montage et du découpage parfaitement ahurissante, qui place le film, dès ce début de compétition, comme un des plus sérieux candidats aux prix les plus courus. La Femme de Tchaïkovski se laisse découvrir à la manière d’un film en costume, retraçant, dans la seconde moitié du 19e siècle, l’enfer social et conjugal traversé par l’épouse du célèbre musicien. Sa venue à Cannes en 2022 pour [La Femme de Tchaïkovski](https://www.ecranlarge.com/films/1428781-madame-tchaikovski) mené par l'impériale [Alyona Mikhailova](https://www.ecranlarge.com/personnalite/1432725-alyona-mikhailova) (injustement oubliée au palmarès) revêtait toutefois une importance symbolique particulière.

Post cover
Image courtesy of "RFI"

Kirill Serebrennikov dévoile «La femme de Tchaïkovski», l ... (RFI)

La femme de Tchaïkovski est un portrait inattendu du célèbre compositeur russe à travers d'Antonina Ivanovna Milioukova avec laquelle le maestro s'est marié ...

Avec sa manière de raconter l’histoire de la pression politique et sociale à travers de l’enfer conjugal, le réalisateur russe défie alors les autorités du régime actuel pour faire éclater au grand jour l’importance de la sexualité dans la vie du compositeur russe. [Leto](https://www.rfi.fr/fr/culture/20180511-leto-ete-russe-rebelle-musical-genial-kirill-serebrennikov), avec un sens d’invention esthétique inouï, et La Fièvre de Petrov, un cinéma expérimental et métaphysique allant au-delà du raisonnable, Serebrennikov renouvelle avec La femme de Tchaïkovski complètement sa grammaire cinématographique. Apparaît alors l’image d’un Tchaïkovski moins utile pour en faire un porte-drapeau d’une nation, mais beaucoup plus riche et pertinent pour comprendre le génie et le combat d’un être surtout humain et vénéré passionnément par le grand public. Le titre faussement sage fait semblant de surtout vouloir tirer la femme de Tchaïkovski de l’ombre. Hélas pour les deux, le mariage ne sera pas une solution, mais un piège qui se refermera, sur une source de création chez Tchaïkovski, mais aussi sur Antonina, condamnée à la folie suite à l’amour impossible avec son mari. Le génie de Serebrennikov consiste à faire dialoguer les différentes couches de la petite et la grande histoire pour en faire sortir une nouvelle face de Tchaïkovski et réinterpréter une partie de l’histoire russe. La femme de Tchaïkovski est un portrait inattendu du célèbre compositeur russe à travers d’Antonina Ivanovna Milioukova avec laquelle le maestro s’est marié à la fin de sa vie. Sans scrupule, elle le force avec tous les moyens à sa disposition à accepter le mariage tant rêvé. Comme un coup de tonnerre, le défunt se réveille alors pour insulter son épouse. Mais déjà leur fête de mariage, en 1877, à Moscou, ressemble plus à un enterrement qu’à autre chose. Puis apparaît Antonina, la veuve, bizarrement obligée à se freiner seule un chemin dans l’escalier vers le cercueil ouvert déposé au premier étage de l’immeuble. Cela commence comme un film historique sombre, avec une foule habillée en noir faisant la queue à Saint-Pétersbourg pour s’incliner devant la dépouille de Piotr Ilitch Tchaïkovski, héros national et incarnation musicale de l’âme russe.

“La Femme de Tchaïkovski” de Kirill Serebrennikov : portrait terrifiant ... (Les Inrocks)

Nous sommes dans les années 1870 et Piotr Ilitch Tchaïkovski est le compositeur de musique russe qui monte. L'une de ses cousines, Antonina, tombe follement – ...

Cette mise en scène spectaculaire, ultra-précise, où le décor se modifie sans coupure temporelle, où réalité et rêves se confondent, est très impressionnante et envoûtante, obéissant à une chorégraphie magique – mais d’une magie noire. Des hommes lâches, obsédés de sexe, cruels et malades de leur pouvoir, de leurs succès. Ce qu’elle veut, c’est le rendre heureux, lui sacrifier sa vie comme une religieuse donne sa vie à Jésus. Il y a donc deux éléments qui s’entrechoquent sans cesse dans le film de Serebrennikov : une société machiste, une femme qui a des problèmes psychiatriques assez patents. L’une de ses cousines, Antonina, tombe follement – au sens propre – amoureuse de lui et le lui dit sans fioritures, lui proposant même de l’épouser, illico presto. Le problème, c’est qu’elle ne comprend pas que Piotr est homosexuel.

Post cover
Image courtesy of "L'Indépendant"

Cinéma - L'amour à sens unique de “La femme de Tchaïkovski” (L'Indépendant)

Le musicien russe, de plus en plus célèbre vers 1877, cherche un moyen de faire taire les rumeurs circulant sur son compte. Quand il reçoit une lettre d'amour ...

Et si la femme de Tchaïkovski, au début, ne voulait pas divorcer par passion, au fil des années y a essentiellement vu un avantage financier impossible à remettre en cause. La comprenant en grande partie quand le réalisateur explique par petites touches les conditions de vie des femmes russes à cette époque. Ce film, très classique dans sa reconstitution historique, novateur par des effets de temps et d’espace, raconte les faits, sans trop les montrer (notamment la vie privée de Tchaïkovski comme si ce n’était pas le plus important du problème), tout en invitant avec subtilité et grâce le spectateur dans l’esprit de cette femme. Non seulement il n’arrive plus à composer, mais il est gagné par une haine tenace de cette femme. Mais lui semble de plus en plus méfiant, hostile. Le musicien russe, de plus en plus célèbre vers 1877, cherche un moyen de faire taire les rumeurs circulant sur son compte.

Post cover
Image courtesy of "Télérama.fr"

“La Femme de Tchaïkovski” : Odin Lund Biron, l'acteur américain qui ... (Télérama.fr)

Après avoir tourné le dos à une carrière américaine préformatée, le comédien de 38 ans a fait ses armes sur les scènes de théâtre de Moscou.

Mais, en 2017, l’arrestation de la nouvelle coqueluche du théâtre russe, à Saint-Pétersbourg, où il tournait son film [Leto](https://www.telerama.fr/cinema/films/lete,n5603274.php), laisse la bulle artistique moscovite interloquée. Après son départ précipité de Russie, cette étape allemande confronte Odin Lund Biron à ses éternels questionnements. « J’ai beaucoup de peine, soupire-t-il en pensant à ce Moscou disparu, à son cercle d’amis désormais dispersé à travers le monde. » À Berlin, il croise ces Russes de la classe créative qui ne voulaient pas partir, qui avaient l’ambition d’accompagner les changements dans leur pays. En parallèle, il décroche un rôle dans Interns, une sitcom diffusée sur une chaîne à succès, sorte de dérivé russe de la série américaine Scrubs. Il reconnaît une frustration, qui tient du parti pris du film, centré sur l’épouse du musicien : la personnalité de l’icône russe n’apparaît qu’en creux, sans jamais être percée. Le début d’une aventure stimulante avec le Centre Gogol, nouveau centre de gravité de la jeunesse instruite de la capitale. [Le Moine noir](https://www.telerama.fr/sortir/festival-d-avignon-2022-kirill-serebrennikov-enfievre-la-cour-d-honneur-avec-son-moine-noir-7011302.php), qu’il jouera pour la première fois à Paris en mars 2023. En 2015, il suscite malgré lui l’agitation médiatique lorsqu’il mentionne son homosexualité, au détour d’un entretien accordé à un journal américain : sa liberté surprend, dans un pays où l’on préfère le confort paradoxal du placard. La rencontre s’était tenue dans le café du Centre Gogol, à Moscou, à l’issue d’une répétition. Sur les rives du lac Supérieur, il se destine à une carrière artistique. Où il a rencontré Kirill Serebrennikov, qui lui offre son premier rôle au cinéma dans son dernier film.

Post cover
Image courtesy of "Reforme"

"La Femme de Tchaïkovski", un mariage désastreux - Reforme (Reforme)

À travers son mariage désastreux avec une épouse sacrificielle, Kirill Serebrennikov aborde la personnalité méconnue du célèbre compositeur.

D’emblée, l’incompréhension mutuelle tue les illusions du [mariage](https://www.reforme.net/abecedaire/2005/01/06/journal-01062005-reforme-3109-actualites-religions-mariage-cette-folie/) et nourrit la haine. Érotomanie ? Admiration ?

Post cover
Image courtesy of "CNC"

Céline Dornier et Pierre Mazars : « La Femme de Tchaïkovski est un... (CNC)

Avec leurs sociétés respectives, Logical et Charades, ils ont coproduit le nouveau Kirill Serebrennikov sur la passion amoureuse tragique d'une jeune Russe ...

Car les dirigeants ukrainiens nous expliquaient que – tout en reconnaissant la légitimité comme opposant à Poutine de Kirill – il était impensable pour eux de voir un film russe avec des acteurs russes monter les marches de Cannes. CD : La sécurité a été renforcée que ce soit dans les voitures qui nous menaient au Palais des festivals, sur les marches et dans la salle. Pour montrer qu’il était important que sa parole circule, que l’art circule et à travers lui les idées politiques de l’opposition à un régime dictatorial. Après La Fièvre de Petrov, notre envie de continuer à travailler avec Kirill était plus forte que tout. CD : Le tournage de La Femme de Tchaïkovski s’est fait sous le sceau du secret en Russie et son plateau était totalement fermé, même pour nous. Et ce dans une situation rendue complexe, voire inextricable, par le fait que Kirill étant un opposant au régime de Poutine, il était impossible d’obtenir un agrément pour La Femme de Tchaïkovski côté russe. CD : Nous ne nous sommes jamais posé la question de notre engagement. On s’y investit car on voit en Kirill un cinéaste majeur dont on doit continuer à promouvoir le travail. Et l’ARCOM a fini par lui accorder une qualification européenne qui a facilité les choses dans la dernière ligne droite… Les ventes internationales pour Charades, la recherche de financement et le suivi de budget pour Logical. Les scénarios de Kirill ne sont pas les plus simples à lire, malgré la qualité de la traduction de Joël Chapron ! C’est ce qui explique d’ailleurs que le film ne pourra jamais sortir en salles là-bas.

Post cover
Image courtesy of "France Culture"

Critique cinéma : "La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov (France Culture)

"Serebrennikov nous inflige un portrait à la fois hyper académique dans son didactisme et lourdement arty avec ses multiples effets de manche."

Le film veut montrer, encore une fois avec une lourdeur explicative appuyée, que Tchaïkovski est homosexuel, et tout le monde le sait dès les quinze premières minutes - lui, les personnages autour d’elle, le spectateur - tout le monde sauf elle, qui demeure près de deux heures durant idiote, à la fois face au désir des autres et au sien, toujours montré comme un “mystère” incompréhensible et pathologique. Ça tient en particulier au rythme de la narration, et au partage, à l'intérieur du récit, de la connaissance. Je ne parle même pas de la fin du film, où les effets se multiplient pour exalter la passion de plus en plus solitaire et mortifère de la jeune femme, des rêves moches s’intercalent, et puis des passages dansés tout à fait grotesques, qui sont là pour dire la folie de ce personnage d’Anna Karénine dont la pathologie aurait été multipliée par huit mille. Occasion pour Serebrennikov de nous infliger un portrait à la fois hyper académique dans son didactisme et lourdement arty avec ses multiples effets de manche. Le film ouvre avec un exergue qui fonctionne comme un avertissement, sur la dureté de la condition des femmes en Russie au 19e siècle, assujetties à un régime patriarcal autoritaire et violent. Tchaïkovski, compositeur romantique russe génial, auteur d’une œuvre qui a bouleversé les codes de la musique, mort à 53 ans en 1893, était homosexuel, et avait épousé pour des raisons pratiques Antonina, jeune pianiste issue d’une famille plutôt aisée.

Post cover
Image courtesy of "benzinemag"

"La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov : l'emprise des ... (benzinemag)

Kirill Serebrennikov revient sur la relation duplice et aliénante entre Tchaïkovski et sa femme Antonina Miliukova, magnifiant cette perdition amoureuse à ...

Serebrennikov magnifie cette perdition amoureuse en travaillant à la fois un cadre évidemment classique (très belle reconstitution d’époque) et une singularité dans la mise en scène qui exclut style et manières trop policés, mais au contraire implante le film dans une sorte d’atmosphère étouffante et sépulcrale telle une mise au tombeau. Préférant prendre ses distances avec le biopic formaliste (on ne voit guère et on n’apprendra pas grand-chose sur le compositeur, et pour cela il faudra plutôt revoir le Music lovers de Ken Russell), Serebrennikov a pris le parti de mettre en lumière Antonina (le scénario s’inspire en grande partie de ses mémoires), de rendre honneur à une femme prise au piège de ses propres passions, rejetant vérités et injonctions, mais rattrapée par l’emprise des sens. Et Serebrennikov d’accentuer cet enfermement en filmant presque exclusivement en intérieurs (avec cette impression, à la fin, d’avoir peu vu le jour pendant les deux heures et demie du film), intérieurs où Antonina s’épuise et se cogne, à l’agonie tant dans sa relation, aliénante, avec son « époux » que dans une société duplice, figée dans un patriarcat prompt à ne faire aucun cadeau aux femmes.

Explore the last week