Ce mercredi 7 décembre, l'écrivaine française a prononcé son discours d'acceptation du Nobel de littérature 2022 devant l'Académie suédoise, à Stockholm.
C’est d’elle, de mes ascendants, hommes et femmes durs à des tâches qui les ont fait mourir tôt, que j’ai reçu assez de force et de colère pour avoir le désir et l’ambition de lui faire une place dans la littérature, dans cet ensemble de voix multiples qui, très tôt, m’a accompagnée en me donnant accès à d’autres mondes et d’autres pensées, y compris celle de m’insurger contre elle et de vouloir la modifier. J’en partage la fierté avec ceux et celles qui d’une façon ou d’une autre souhaitent plus de liberté, d’égalité et de dignité pour tous les humains, quels que soient leur sexe et leur genre, leur peau et leur culture. Mais, dans le même temps, il y a en Europe – masquée encore par la violence d’une guerre impérialiste menée par le dictateur à la tête de la Russie – la montée d’une idéologie de repli et de fermeture, qui se répand et gagne continûment du terrain dans des pays jusqu’ici démocratiques. Ceux et celles qui pensent aux générations à venir, à la sauvegarde d’une Terre que l’appétit de profit d’un petit nombre continue de rendre de moins en moins vivable pour l’ensemble des populations. Dans la mise au jour de l’indicible social, cette intériorisation des rapports de domination de classe et/ou de race, de sexe également, qui est ressentie seulement par ceux qui en sont l’objet, il y a la possibilité d’une émancipation individuelle mais aussi collective. Spontanément, c’est le fracas d’une langue charriant colère et dérision, voire grossièreté, qui m’est venu, une langue de l’excès, insurgée, souvent utilisée par les humiliés et les offensés, comme la seule façon de répondre à la mémoire des mépris, de la honte et de la honte de la honte. Ce n’est pas cet orgueil plébéien qui me motivait (encore que…) mais le désir de me servir du “je” – forme à la fois masculine et féminine – comme un outil exploratoire qui capte les sensations, celles que la mémoire a enfouies, celles que le monde autour ne cesse de nous donner, partout et tout le temps. Cet engagement comme mise en gage de moi-même dans l’écriture est soutenu par la croyance, devenue certitude, qu’un livre peut contribuer à changer la vie personnelle, à briser la solitude des choses subies et enfouies, à se penser différemment. Victor Hugo a écrit : “Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui.” Mais toutes choses étant vécues inexorablement sur le mode individuel – “c’est à moi que ça arrive” – elles ne peuvent être lues de la même façon, que si le “je” du livre devient, d’une certaine façon, transparent, et que celui du lecteur ou de la lectrice vienne l’occuper. Ils ressentent, en effet, la difficulté, voire l’impossibilité d’écrire dans la langue acquise, dominante, qu’ils ont appris à maîtriser et qu’ils admirent dans ses œuvres littéraires, tout ce qui a trait à leur monde d’origine, ce monde premier fait de sensations, de mots qui disent la vie quotidienne, le travail, la place occupée dans la société. Ce sont des situations de la vie où être une femme pesait de tout son poids de différence avec être un homme dans une société où les rôles étaient définis selon les sexes, la contraception interdite et l’interruption de grossesse un crime. La mort d’un père qui décède trois jours après mon arrivée chez lui en vacances, un poste de professeur dans des classes dont les élèves sont issus de milieux populaires semblables au mien, des mouvements mondiaux de contestation : autant d’éléments qui me ramenaient par des voies imprévues et sensibles au monde de mes origines, à ma “race”, et qui donnaient à mon désir d’écrire un caractère d’urgence secrète et absolue.
Ce mercredi 7 décembre devant l'Académie suédoise qui lui a décerné le prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux a prononcé un discours de réception.
La récompense de mon travail par le jury du Nobel constitue un signal de justice et d’espérance pour toutes les écrivaines." Annie Ernaux conclura son discours par une alerte :"Écrivant dans un pays démocratique, je continue de m’interroger cependant sur la place des femmes y compris dans le champ littéraire. Première femme française à recevoir le prix Nobel de littérature, Annie Ernaux a été récompensée à 82 ans pour une œuvre traversée par les thèmes, notamment, de la passion amoureuse et du féminisme.
A Stockholm, lors de sa conférence Nobel, l'écrivaine française a déclaré qu'elle espère que sa distinction constitue un "signal de justice et d'espérance ...
Ses écrits, fortement inspirés de ses expériences personnelles de classe et de genre, jettent un regard critique sur les structures sociales. "Dans le monde actuel, où la multiplicité des sources d'information, la rapidité du remplacement des images par d'autres, accoutument à une forme d'indifférence, se concentrer sur son art est une tentation", note-t-elle, espérant que son prix Nobel soit un "signal de justice et d'espérance pour toutes les écrivaines", dont la "légitimité à produire des œuvres n'est pas encore acquise". A Stockholm, lors de sa conférence Nobel, l'écrivaine française a déclaré qu'elle espère que sa distinction constitue un "signal de justice et d'espérance pour toutes les écrivaines", dont la "légitimité à produire des œuvres n'est pas encore acquise".
L'autrice française Annie Ernaux a livré un discours fort lors de sa conférence Nobel à Stockholm. Elle a notamment mis en garde contre « une idéologie de ...
La reconnaissance de mon travail par le jury du Nobel constitue un signal de justice et d'espérance pour toutes les écrivaines ». Annie Ernaux a tenu la promesse qu'elle s'était faite il y a 60 ans, celle de venger sa race en écrivant des livres. Dans son discours de réception, l'écrivaine a appelé à la vigilance des intellectuels face aux reculs démocratiques ou humanistes en Europe.
Des moqueries sur son « absence de style » aux accusations d'antisémitisme, le prix Nobel remis à l'écrivaine a suscité des réactions très violentes, ...
Code promo Aliexpress Code promo Cdiscount Code promo Ebay Code promo Amazon [son émission « Répliques » du 26 novembre](https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/l-oeuvre-d-annie-ernaux-7794237) lui a reproché pêle-mêle un antisionisme « obsessionnel » et un manque de « gratitude » – n’ont pas trouvé beaucoup mieux pour dire tout le mal que leur inspirait ce Nobel. En devenant la première Française à obtenir l’éminente récompense, l’autrice de « la Place » a offert à notre pays son seizième Nobel de littérature, confortant un peu plus la terre de Mauriac et de Camus dans son enviable statut de nation la plus primée, devant les Etats-Unis.
L'écrivaine française recevra officiellement son prix Nobel de littérature à Stockholm le 10 décembre. Le Monde publie l'intégralité de son discours devant ...
Spontanément, c’est le fracas d’une langue charriant colère et dérision, voire grossièreté, qui m’est venu, une langue de l’excès, insurgée, souvent utilisée par les humiliés et les offensés, comme la seule façon de répondre à la mémoire des mépris, de la honte et de la honte de la honte […]." Ils ressentent, en effet, la difficulté, voire l’impossibilité d’écrire dans la langue acquise, dominante, qu’ils ont appris à maîtriser et qu’ils admirent dans ses œuvres littéraires, tout ce qui a trait à leur monde d’origine, ce monde premier fait de sensations, de mots qui disent la vie quotidienne, le travail, la place occupée dans la société. Il y a d’un côté la langue dans laquelle ils ont appris à nommer les choses, avec sa brutalité, avec ses silences, celui, par exemple, du face-à-face entre une mère et un fils, dans le très beau texte d’Albert Camus Entre oui et non.
Annie Ernaux, l'Algérie et sa guerre, par Christiane Chaulet Achour en ligne sur Diacritik.com, le 8 décembre 2022 Mon enfance et mon adolescence se ...
il me semblait que cette écrivaine engagée ne pouvait la passer sous silence tant son impact a été grand dans la vie des Français.es, d’autant plus que son roman paraît en 2008, soit 46 ans après l’indépendance. Elle m’a mise en appétit puisque depuis de longues années j’explore les rapports Littérature/Guerre d’Algérie-Guerre de libération nationale et que j’ai une prédilection pour les textes d’écrivaines. "Mon enfance et mon adolescence se déroulent dans un discours sociopolitique, grèves de l’été 1953 contre Laniel, chute de Dien-Bien Phu et, bien entendu, la guerre d’Algérie, qu’on nomme « les événements ».
Ce samedi 10 décembre, elle deviendra la première Française à recevoir le prix Nobel de littérature à Stockholm, en Suède. Nous avons rencontré Annie Ernaux ...
Ce samedi 10 décembre, elle deviendra la première Française à recevoir le prix Nobel de littérature à Stockholm, en Suède. [Annie Ernaux](https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres/annie-ernaux-prix-nobel-de-litterature-2022-je-ne-vais-rien-changer-06-10-2022-HQLC45NQ4JDAJIQYS4YTEQZA4M.php), il faut s’arrêter à la station de RER Cergy-Saint-Christophe (Val-d’Oise), puis arpenter les petites rues qui se coulent entre les constructions récentes, avec vue sur la forêt et le lac artificiel niché en contrebas. Nous avons rencontré Annie Ernaux chez elle à Cergy-Pontoise, avec son fils David Ernaux-Briot, qui cosigne avec elle le documentaire « les Années Super 8 », en salles le 14 décembre.
Le prix Nobel de littérature sera officiellement remis à Annie Ernaux ce samedi 10 décembre à Stockholm. Découvrez l'intégralité de son discours prononcé ...
"Écrivant dans un pays démocratique, je continue de m'interroger sur la place occupée par les femmes dans le champ littéraire."