Esther Duflo

Expliquer la pauvreté aux plus petits en brisant les clichés, c'est l'ambition de la prix Nobel d'économie, qui lance une collection d'albums jeunesse.

De même que le plan Marshall, après la guerre, a permis à l'Europe de redémarrer bien plus rapidement que prévu au bénéfice de tous, assurer un accès équitable aux vaccins et éviter un désastre économique pour les plus pauvres aurait bénéficié à la planète entière. Par exemple, l'idée de répartir les enfants par groupes de niveau pour réacquérir les bases avec des grands frères qui les aident à apprendre peut sembler naïve, mais elle s'est bel et bien révélée efficace dans la réalité. [mortalité infantile](https://madame.lefigaro.fr/bien-etre/la-hausse-de-la-mortalite-infantile-en-france-inquiete-les-specialistes-20220304) et de la mortalité maternelle, beaucoup moins de morts du sida depuis les années 2000, une augmentation des enfants qui vont à l'école… Ils ont levé des trillions pour financer leurs plans de relance, sans ajouter de quoi financer les plus pauvres, alors que cela ne représentait rien en proportion. Et la question de la représentation des femmes au sein de l'Assemblée se pose à chaque élection. Comme dans Oola, nous avons nous aussi des sièges alternés pour assurer la représentation des femmes dans les conseils municipaux. Dans l'avant-propos de notre livre Repenser la pauvreté (coécrit en 2012 avec Abhijit Banerjee, NDLR), j'évoque une BD lue à 7 ans sur Mère Teresa et la manière dont on vivait à Calcutta : elle m'a ouvert les yeux sur le fait que des enfants avaient des vies très différentes de la mienne. En parler avec les enfants de façon non simpliste ou caricaturale, créer des liens et des ponts, c'est l'ambition d' [Esther Duflo](https://madame.lefigaro.fr/societe/esther-duflo-pratiquer-l-economie-comme-science-humaine-030309-14816), Prix Nobel d'économie en 2019 (conjointement avec son époux, Abhijit Banerjee, et avec Michael Kremer), qui a imaginé une série de dix albums jeunesse. Dans cette collection, on a voulu faire la même chose avec des enfants dont les conditions d'existence sont autres. De se dire qu'il leur faut de la simplicité, au risque de ne faire passer qu'une idée : par exemple, évoquer la pauvreté en Afrique en montrant des enfants aux vies misérables, et en présentant les gens qui les aident comme des héros. Je pense qu'il est bon que les enfants prennent tôt conscience de l'étendue du monde, de son injustice et de leurs responsabilités, car avoir «atterri» dans une partie privilégiée de ce monde donne des responsabilités. Expliquer la pauvreté aux plus petits en brisant les clichés, c'est l'ambition de la prix Nobel d'économie, qui lance une collection d'albums jeunesse.